Une Suisse résiliente, mais jusqu'à quand?

Une publication en coopération avec IMD et le Swiss Economic Forum

UNE SUISSE RESILIENTE, MAIS JUSQU’A QUAND ? Des entrepreneurs suisses discutent de la manière dont nous pouvons surmonter la crise du Corona et du futur de l’économie helvétique.

En coopération avec:

Table des matières

04 Résilient ? Sans aucun doute - jusqu‘à un certain point 12 Leadership : réveillez les forces de votre équipe 18 Quel devrait être le niveau d‘intervention de l‘Etat ? 22 La famille est-elle une aide en cas de crise ?

26 Accélérer la sortie de la crise du Covid-19 32 Plus rapide et plus agile 40 L‘avenir est sombre - mais pas pour nous 44 « Nous devons être beaucoup plus réactifs aux besoins de nos clients ! »

Résumé Sans aucun doute, la crise du Coronavirus (COVID-19) a temporairement mis un terme aux activités économiques et sociales en Suisse. En même temps, elle a réveillé la créativité et l‘esprit d‘innovation de nombreuses personnes, tout en donnant une impulsion nouvelle. Le pays a bien surmonté la première phase de la crise du coronavirus.

« Nous pouvons gérer le coronavirus », a déclaré avec fierté Alain Berset, membre du Conseil fédéral, après la fin de la quarantaine. Dans les faits, la Suisse et son économie se sont révélées étonnamment robustes face aux impacts sur la vie économique et sociale du pays. Du jamais vu depuis la Seconde Guerre mondiale. Dans le même temps, cependant, certaines faiblesses de l‘économie nationale sont apparues. Dans le cadre d‘une économie mondialisée, la Suisse n‘a pas été épargnée par les conséquences de l‘interdépendance : digitalisation ont été découvertes et la réserve de capital à disposition s’est révélée être mince. Examiner la manière dont le pays pourrait sortir de la crise dans une meilleure position qu‘il n‘y est entré a fait l‘objet d‘une initiative mise en place sur une base ad hoc par le Forum Economique Suisse en coopération avec l‘IMD. Sous la bannière SEF.Interaktiv, les deux les cha î nes d‘approvisionnement ont été interrompues, des lacunes dans la

institutions ont cherché à maintenir le dialogue entre les chefs d‘entreprise ainsi qu‘entre les politiciens et les universitaires en l‘absence des conférences habituelles. SEF.Interaktiv a pour objectif d‘analyser les défis actuels causés par le verrouillage de l‘économie. Au début de l‘été, plus de 200 participants au SEF, répartis dans des groupes virtuels de tailles diverses, ont pris le temps de discuter, de décrire leurs expériences pendant la crise et de formuler des solutions possibles. Les participants ont examiné le chemin à parcourir et ont fait des suggestions sur la manière dont la Suisse peut mieux gérer les crises futures : par exemple, en investissant dans l‘éducation et les technologies digitales, et en ayant des entreprises plus agiles et un Etat suisse plus flexible - qui pourrait comprendre non seulement des frontières physiques mais aussi des régions virtuelles s’étendant au-delà - afin de mieux lutter contre les pandémies.

Les participants ont également examiné la question de savoir si les entreprises familiales sont plus capables de survivre aux crises (réponse : « oui, mais... ») et quelle devrait être la taille de l‘Etat (réponse : « assez grand, mais pas trop... »). Ils ont discuté de ce que signifie une véritable proximité avec le client (réponse : être plus rapide et plus fiable que la concurrence) et de ce que signifie réellement le leadership en cas de crise (réponse : beaucoup communiquer et responsabiliser les employés). La conclusion est que oui, la Suisse est sortie de la crise en bonne forme (pour l‘instant) mais peut faire encore mieux ! Cet article résume les principales conclusions. La discussion a été complétée par une enquête, couvrant les questions d‘actualité, envoyée à tous les participants. Les résultats figurent également dans le présent livre blanc.

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Résilient ? Sans aucun doute - jusqu‘à un certain point

Pour les optimistes: La crise a également eu des aspects positifs, déclare Ursula Nold, présidente de l‘Association des Coopératives Migros. Peter A. Fischer, directeur de la NZZ, est impressionné par la fermeté avec laquelle le Conseil fédéral a réagi à cette crise et voit « des raisons d‘un certain optimisme ». Le Conseiller national du PLR, Christian Wasserfallen, salue l‘agilité dont ont fait preuve les entreprises suisses, en particulier les PME. Katharina Lange, Professeur de Leadership à l‘IMD, admire la manière dont la Suisse a réagi au confinement : « La gestion de la crise par la Suisse a été impeccable ! » Elle la compare même à un moment héroïque, à l’image de la décision du pilote d’avion Chesley « Sully » Sullenberger qui a agi vite et bien (voir encadré). Pour les sceptiques: Cela dépend de l‘industrie dans laquelle les gens travaillent, avertissant que tout le monde n’a pas connu de bons moments. Par exemple, alors que les représentants de l‘industrie des articles de sport, comme les marchands de vélos, peuvent difficilement suivre le rythme des livraisons, les organisations culturelles et les acteurs de l’événementiel ne peuvent que contempler impuissants des salles et des auditoriums qui sont presque vides depuis des mois et qui le resteront probablement dans les prochains mois. La plupart des membres du panel SEF.Interaktiv ont estimé que la Suisse avait bien agi face à la crise dans cette première phase, bien qu’avec certaines limites, notamment en ce qui concerne les mesures prises lors de l’assouplissement des restrictions en matière de confinement. Une des raisons de cette bonne performance est la flexibilité et l’adaptabilité de nombreuses entreprises suisses, et plus particulièrement de leurs employés. Du moins, selon les experts : certains chefs d’entreprise du cercle du SEF trouvent cette évaluation trop optimiste, soulignant les grandes différences entre les secteurs et exprimant des inquiétudes quant aux effets d’une deuxième vague.

Résilient ? Sans aucun doute - jusqu’à un certain point

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Toutefois, le sentiment positif sous-jacent n‘est pas déplacé. Début juillet, l‘activité économique de la Suisse se situait déjà à plus de 93 % de la moyenne des trois dernières années. C‘est ce que montre une analyse de données en temps réel menée par la banque privée genevoise Lombard Odier. La banque a analysé les chiffres de sept catégories : importations, exportations, mobilité, commerce de détail, consommation alimentaire, présence au travail et pollution atmosphérique. L‘ensemble de ces données donne une image actualisée de l‘état de la reprise économique par rapport à la moyenne des trois années précédant la crise. Par ailleurs, le programme de prêts d‘urgence mis en place par le gouvernement fédéral avec les banques a également été moins utilisé que prévu. Apparemment, les entreprises n‘ont après tout pas tant besoin de capitaux d‘urgence.

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Résilient ? Sans aucun doute - jusqu’à un certain point

Quelle est donc la raison de cette résilience de l‘économie suisse ?

Tout d‘abord, tout le monde s‘accorde à dire que le gouvernement suisse a agi rapidement et de manière décisive en mars. En outre, de bonnes structures étaient déjà en place. La réduction du temps de travail, par exemple, a fait ses preuves en tant qu‘élément stabilisateur dans la crise. Le programme de prêts d‘urgence mentionné ci-dessus a également reçu beaucoup d‘éloges, illustrant la manière dont les entreprises (dans ce cas les banques) et les politiciens peuvent travailler efficacement ensemble en cas de crise. En outre, l‘Etat n‘est que légèrement endetté et a même pu réduire sa dette au cours des 20 dernières années. Cela signifie que la situation de départ était déjà bonne. Deuxièmement, l‘économie a également prouvé qu‘elle était en grande partie forte et résistante. Troisièmement, des facteurs « doux » ont également aidé à surmonter les périodes difficiles. La crise a rassemblé de nombreuses personnes, déclare Ursula Nold. Albrecht Enders, Professeur de Stratégie et d‘Innovation et membre du Comité

exécutif de l‘IMD, apporte un point de vue extérieur : d’origine allemande, il trouve fascinant d‘observer comment les Suisses recherchent de manière pragmatique des moyens de sortir de la crise de façon inédite, en dépassant les limites de la culture, des frontières nationales et des parties prenantes intéressées. C‘est un privilège de vivre et de travailler ici, comme le confirme Katharina Lange. Malgré les limites, le ton positif sous-jacent est également confirmé par l‘enquête menée auprès de tous les participants en juillet. Bien qu‘un tiers des personnes interrogées ait connu une baisse des ventes de 20 à 50 % et que 20 % aient même perdu plus de la moitié de leurs affaires pendant le confinement, près de la moitié d‘entre elles ont une vision positive de l‘avenir après le confinement. Cela dit, les perspectives partagées par les participants à SEF.Interaktiv se reflètent dans le fait que 30 % des participants s‘attendent à un avenir plutôt sombre et incertain.

Résilient ? Sans aucun doute - jusqu’à un certain point

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A RETENIR :

Les structures et l’économie suisses sont saines.

En cas de crise, les gens de tous les secteurs se serrent les coudes.

La crise frappe les industries et les entreprises de manière très différente.

Quel a été l’impact du confinement sur votre chiffre d'affaires ?

30%

Pas de rééducation, ni d'augmentation

34%

Réduction des recettes des ventes 20 - 50%

14%

Réduction des recettes des ventes 50 - 75%

14%

Augmentation des recettes des ventes 10 - 25%

8%

Réduction des recettes des ventes de plus de 75%

Evaluation de l’enquête interactive SEF - juillet 2020

50%

0%

25%

75%

100%

8

Résilient ? Sans aucun doute - jusqu’à un certain point

Comment évaluez-vous l'économie future de la Suisse au cours des 12 prochains mois ?

48%

Neutre

41%

Négative

11%

Positive

Evaluation de l’enquête interactive SEF - juillet 2020

Comment évaluez-vous votre propre avenir professionnel au cours des 12 prochains mois ?

7%

39%

36%

18%

Assez négatif

Assez positif

Positif

Neutre

Evaluation de l’enquête interactive SEF - juillet 2020

Résilient ? Sans aucun doute - jusqu’à un certain point

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Flashlight: Sully

• 15 janvier 2009 • Le vol 1549 d‘US Airways

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Résilient ? Sans aucun doute - jusqu’à un certain point

Le 15 janvier 2009, le vol 1549 d‘US Airways a décollé de New York avec Chesley « Sully » Sullenberger aux commandes de l‘Airbus 320. Sully était un pilote expérimenté avec plus de 20 000 heures de vol. Peu de temps après le décollage, les deux moteurs de l’appareil sont tombés en panne à cause d‘un impact d‘oiseau. En quelques secondes, Sully a dû décider s‘il devait ramener l‘avion (qui était encore en montée suite au décollage) à l‘aéroport en toute sécurité ou s‘il devait risquer un atterrissage d‘urgence. La vie de plus d‘une centaine de personnes dépendait de cette décision prise en une fraction de seconde. Il a décidé de faire amerrir l‘avion sur le fleuve Hudson, car il ne pensait pas que l’appareil parviendrait à retourner sur la piste. L’amerrissage fut une réussite ; les 155 passagers s‘en sont sortis sans blessures graves.

Résilient ? Sans aucun doute - jusqu’à un certain point

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Leadership : Réveillez les forces de votre équipe

Selon les participants de SEF.Interaktiv, l‘une des questions cruciales en cas de crise concerne le leadership ; le leadership en période de prospérité n‘est pas négligeable, mais le leadership en cas de crise est crucial. Qu‘est-ce que cela signifie ? Comme le dit un participant, « il faut être incroyablement proche de la ligne de front pour pouvoir traiter immédiatement les petites crises au sein de la grande crise. Dans des moments comme ceux-ci, les employés ont besoin d’une direction à suivre. Il faut réussir à générer un climat calme pour rassurer en période d‘incertitude. Communiquer avec conviction est alors crucial. » Ursula Nold, présidente de Migros, dit à peu près la même chose, tout en soulignant un autre aspect : la crise a renforcé l‘autonomisation des employés. Ceux qui ont

pu compter sur de bons partenariats ont bien traversé la crise. De nombreux membres du SEF sont d‘accord : il était utile de transmettre les responsabilités aux équipes en interne et de laisser les employés faire leur travail. Il s‘est avéré qu‘il y avait beaucoup d‘énergie disponible à exploiter. De bons partenariats sont importants pour les clients comme pour les employés. De nombreux participants à SEF.Interaktiv ont parlé des efforts qu‘ils ont déployés pour rester en contact avec leurs clients, maintenant et plus particulièrement dans de telles situations de crise. Des relations fortes ont non seulement fait leurs preuves, mais dans certains cas elles ont prospéré rapidement et de manière pragmatique.

Ursula Nold souligne cette évolution telle que la Migros l‘a vécue. Elle affirme que la crise a permis de fédérer et rassembler les gens. D‘une part, un travail intensif a été effectué en interne, par exemple dans le domaine de la logistique, pour assurer l‘approvisionnement. Elle a constaté un niveau d‘engagement incroyablement élevé de la part des employés. Dans le même temps, on a également observé une forte tendance à la consommation de produits locaux : les gens ont voulu exprimer leur solidarité avec les producteurs locaux - comme l‘avait fait Migros elle-même. Ses employés avaient d’ailleurs reçu des milliers de lettres de remerciement.

Leadership : réveillez les forces de votre équipe

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En tant que directrice générale de la grande banque UBS, Sabine Keller-Busse doit veiller à ce que l‘ensemble de l‘organisation fonctionne dans les bons comme dans les mauvais moments : « Comment faire pour que la banque reste opérationnelle sans interruption ? Comment maintenir un niveau élevé de service à la clientèle et assurer la sécurité des employés répartis dans le monde entier ? Et le faire dans une entreprise considérée de manière systémique comme étant pertinente et qui doit donc rester opérationnelle ? » L‘UBS a dit très tôt à plus de 80 % de ses employés de travailler à domicile. Selon Sabine Keller-Busse, l’investissement annuel de plus de 3,5 milliards de francs dans les systèmes informatiques a été payant à cet égard. En outre, ces dernières années, l‘entreprise a vigoureusement réorganisé les rôles en interne, ce qui lui a permis de s‘appuyer sur ses propres centres de services et l‘a rendue moins dépendante de prestataires de services externes. Dans le cadre du programme de prêts du gouvernement fédéral, les entreprises clientes ont rapidement reçu d‘importantes liquidités. Ici aussi, la digitalisation précoce a porté ses fruits. L‘UBS a traité 24 000 demandes de prêts en très peu de temps. « Chez UBS, les processus de gestion de crise

établis que nous mettons en place chaque année ont finalement porté leurs fruits lorsqu‘il s‘agit de gérer une crise majeure ». En termes statistiques, l‘enquête a révélé qu‘un tiers des participants place la communication en tête de leurs priorités ; un sur dix compte sur des employés travaillant de manière flexible ; un sur vingt compte sur une infrastructure stable. Un sur huit souligne simplement l‘importance de rester calme. En haut de la liste, cependant, se trouve une considération assez évidente qui devient vitale en cas de crise : avoir suffisamment de liquidités.

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Leadership : réveillez les forces de votre équipe

A RETENIR :

Maintenir une bonne communication, étroite et fiable avec les clients et les employés.

Réveiller les forces dans l’entreprise : responsabiliser les employés.

Rien ne fonctionne sans liquidités suffisantes.

Quel a été le plus important dans cette crise ?

Trésorerie suffisante

41%

Bonne communication interne et externe

28%

Rester calme

14%

Salariés flexibles

7%

7%

Cha î nes d'approvisionnement fiables

3%

Bonne infrastructure informatique

50%

0%

25%

75%

100%

Evaluation de l’enquête interactive SEF - juillet 2020

Leadership : réveillez les forces de votre équipe

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Flashlight: Suède

• 90 % de leur personnel en horaires réduits • 300 autres employés de SAS étaient prêts à passer à l‘action

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Leadership : réveillez les forces de votre équipe

En Suède, en mars dernier, les dirigeants de la compagnie aérienne SAS se sont demandés ce qu’il se passerait s‘ils mettaient 90 % de leur personnel en horaires réduits. Avec l‘aide d‘experts, ils ont décidé de faire suivre aux équipages de cabine une formation de trois jours et demi pour devenir infirmières/ers auxiliaires : après tout, les agents de bord avaient déjà les connaissances de base pour faire face aux urgences en vol. Des centaines d‘employés de SAS étaient impatients de s‘inscrire ; lors d‘un test pilote, 30 d‘entre eux ont pu bénéficier de la formation deux semaines seulement après l‘introduction de la réduction du temps de travail. En deux mois, 300 autres employés de SAS étaient prêts à passer à l‘action. Peu de temps après, d‘autres employés du secteur de l‘hôtellerie et de la restauration ont été invités à participer au programme. Dans l‘intervalle, un programme similaire a été mis en place pour les assistants dans l‘enseignement. Cela a été rendu possible par l‘existence d‘un réseau de contacts étroit au sein de l‘économie et de la société suédoises en général.

Leadership : réveillez les forces de votre équipe

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Quel devrait être le niveau d‘intervention de l‘Etat ?

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Le gouvernement suisse a agi par un mélange de crainte et de créativité, et le résultat a été une surprise positive. C‘est ce qu‘affirme Peter A. Fischer, responsable de l‘influente section économique du journal NZZ, qui a par ailleurs tendance à critiquer l‘Etat. Toutefois, sa déclaration ne s‘applique qu‘à la phase initiale. M. Fischer affirme que le gouvernement a « utilisé ses mesures de stabilisation de manière judicieuse » au début du confinement. Rudolf Minsch, représentant d‘economiesuisse, une organisation habituellement peu connue pour être proche de l‘Etat, a également fait l‘éloge des mesures antérieures prises par l‘administration suisse, notamment le frein à l‘endettement et le budget de l‘Etat bien équilibré, seule solution permettant aux mesures d‘être en tout point durables. Comme Peter A. Fischer, Minsch critique toutefois le gouvernement pour avoir desserré les freins trop tard. D‘autre part, un participant d‘origine indienne mais établi en Suisse a fait l‘éloge de la politique suisse en général. Contrairement à la situation dans de nombreux autres pays, aucun des principaux responsables politiques n‘a cherché à exploiter la crise à son propre avantage. C‘est le pays qui compte, et rien d‘autre. Petra Gössi, Conseillère nationale suisse et Présidente du Parti libéral-radical (PLR), a vécu la crise au centre politique de la Suisse. Son champ d‘action a été limité pendant un certain temps, car le Parlement n‘avait pas eu l’occasion d’agir depuis longtemps. Toutes les compétences sont du ressort du Conseil fédéral. Les droits fondamentaux sont limités. Et la communication au sein des partis et avec la population est massivement perturbée. Sur le plan politique, la crise a constitué un défi majeur. Petra Gössi en tire cinq leçons :

Cela vaut la peine d’avoir un Etat qui fonctionne : pour tout le monde, pour l’économie, pour la société et pour la culture. Ni un Etat ultra-libéral ni un Etat socialiste n’auraient pu agir de manière aussi sensée. 04 Les responsables politiques et les autorités doivent vérifier combien de mesures de précaution doivent être prises, par exemple en revoyant ce qui doit se trouver dans les stocks obligatoires de reserve et en quelles quantités.

Les politiciens ont besoin d’un coup de pouce vers la digitalisation afin de maintenir leur capacité d’action en cas de crise.

03

La gestion des risques doit être renforcée. Il y aura toujours des crises.

05 Et surtout, la gestion des crises fera peser un lourd fardeau sur la prochaine génération : il faut donner une perspective à ces générations, et non pas seulement leur transmettre des dettes.

Quel devrait être le niveau d’intervention de l’Etat ?

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Arturo Bris, Professeur de Finance à l‘IMD, met en garde contre les défis politiques des prochains mois. Les petites économies réussissent souvent, mais la Suisse comme état ne bénéficie pas de la protection d‘une grande organisation comme celle de l‘UE en comparaison avec d‘autres petites économies. Le pays doit donc se battre pour ne pas s‘isoler. Différents participants ont mis en garde contre une trop grande intervention de l‘Etat, aujourd‘hui et à l‘avenir. D‘autres, en revanche, ont adopté une position différente : il ne s‘agit pas d‘opposer l‘économie au peuple ; les deux vont de pair en Suisse. Cependant, ils souhaiteraient que l‘Etat s‘engage davantage dans un processus d‘amaigrissement radical pendant la crise, qu‘il repense les réglementations, qu‘il fasse preuve de plus de souplesse ; peut-être, disent- ils, que ce dont on a besoin en fin de compte, c‘est d‘un programme de relance après le programme de prêts.

Hans Hess, président de Swissmem, l‘association nationale de l‘industrie mécanique, électrique et métallurgique, met en garde contre un soutien direct trop important de l‘Etat. Selon lui, il faut permettre le changement, même si l‘industrie qu‘il représente souffre actuellement d‘un manque de commandes, de défauts de paiement et de difficultés de livraison. En fin de compte, c‘est avant tout aux chefs d‘entreprise eux-mêmes qu‘il revient de trouver un moyen de sortir de la crise. Le journaliste économique Peter A. Fischer met également en garde contre le danger que le programme de prêts ne soutienne pas réellement les entreprises de manière ciblée, ralentissant ainsi, voire empêchant, les changements structurels nécessaires. Néanmoins, trois participants sur quatre sont d‘avis que l‘intervention de l‘Etat est bonne et appropriée - bien que seuls trois sur dix aient eux-mêmes eu recours ou dû recourir à des aides de l‘Etat.

A RETENIR :

Un Etat fort est également nécessaire en cas de crise.

Les interventions doivent être aussi courtes et limitées que possible.

Les dettes résultant de la crise ne doivent pas être un fardeau pour les générations futures.

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Quel devrait être le niveau d’intervention de l’Etat ?

Comment évaluez-vous les interventions et les offres du gouvernement en rapport avec le confinement ?

Approprié

Très bien

Exagéré

Neutre

12%

14%

21%

53%

Evaluation de l’enquête interactive SEF - juillet 2020

Avez-vous bénéficié d'aides publiques (paiement direct, prêts, etc.) ?

38%

3%

59%

Oui

Non

Encore à examiner

Evaluation de l’enquête interactive SEF - juillet 2020

Quel devrait être le niveau d’intervention de l’Etat ?

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22 La famille est-elle une aide en cas de crise ?

Les entreprises familiales représentent une part considérable de l‘économie suisse. Plus de deux tiers des PME suisses sont des entreprises familiales. Peter Vogel, Professeur d‘Entreprise Familiale et d‘Entrepreneuriat à l‘IMD, souligne six points qui distinguent les entreprises familiales et les rendent plus résistantes aux crises :

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Agir et planifier à long terme : La notion du temps pour une entreprise familiale est différente que pour une société cotée en bourse. Les entreprises familiales pensent vraiment à long terme.

Stabilité financière : Les entreprises familiales sont, en moyenne, moins endettées et donc plus indépendantes financièrement.

L’attachement émotionnel : L’attachement émotionnel des propriétaires à l’entreprise est

généralement beaucoup plus fort que dans les entreprises non familiales. Cela signifie qu’en cas de crise, tout le monde se retrousse les manches.

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Valeurs solides et loyauté : Le système de valeurs entre les propriétaires et les employés est également plus durable. Cela signifie que la loyauté des propriétaires envers la main-d’œuvre est élevée, tout comme la loyauté des employés envers les propriétaires.

L’esprit d’entreprise : Dans les entreprises familiales, l’esprit d’entreprise règne en ma î tre. Cela inclut la capacité à se réinventer constamment et à saisir les opportunités entrepreneuriales en temps de crise.

Engagement social et philanthropie : Les entreprises familiales sont souvent fortement ancrées dans leur environnement social, ce qui se traduit par un engagement social accru et une loyauté sociale concomitante.

La famille est-elle une aide en cas de crise ?

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Cependant, dans cette crise, ces forces ne suffisent pas à elles seules, déclare Peter Vogel. Dans le même temps, presque toutes les entreprises sont en pleine quatrième révolution industrielle, et donc en période de disruption digitale. Les défis à relever en période de crise sont particulièrement exigeants; les entreprises qui ont subi une transformation digitale il y a des années émergeront de la crise dans une plus forte position. Rudolf Minsch, Economiste en Chef d‘economiesuisse, rappelle le vieux dicton “ waste not, want not “ (ne pas gaspiller pour ne jamais être dans le besoin), et l‘applique aux entreprises comme à l‘Etat. Les entreprises familiales, en particulier, ont tendance à être plus robustes et financées sur le long terme. Peter Vogel, Professeur à l‘IMD, conseille aux propriétaires de ne pas avoir peur de chercher de l‘aide à l‘extérieur : en ayant des membres indépendants dans leur conseil d‘administration, par exemple. Il est essentiel que les postes au sein des conseils d‘administration et de la direction des entreprises familiales

soient occupés par des personnes tournées vers l‘avenir et de haut niveau : les conseils d‘administration « d‘estampillage », autrefois typiques des PME, ne suffisent plus aujourd‘hui. De plus, en temps de crise, dit-il, il est important pour les entreprises non gérées par leurs propriétaires d‘intensifier la communication entre le conseil d‘administration, la direction et la famille propriétaire, y compris avec les générations suivantes. De telles crises entra î nent souvent une accélération des successions. Comme dans toute autre entreprise, l‘implication intensive des salariés est également recommandée dans les entreprises familiales, afin de faire encore meilleur usage des connaissances de base, de suivre une approche ascendante et de responsabiliser les salariés. Selon l‘enquête, les participants à SEF.Interaktiv sont clairement d‘accord : les entreprises familiales sont mieux équipées pour relever les défis d‘une crise, y compris le confinement et ses conséquences à long terme.

A RETENIR :

Les entreprises familiales ont généralement une base financière plus solide.

La vision à long terme aide les entreprises familiales à mieux faire face à une crise.

Les événements extraordinaires accélèrent les questions fondamentales telles que la succession, même dans les entreprises familiales.

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La famille est-elle une aide en cas de crise ?

Qui pourrait mieux ma î triser le confinement ?

Entreprises dirigées par leurs propriétaires

Entreprises dirigées par des cadres (managers)

92%

8%

Evaluation de l’enquête interactive SEF - juillet 2020

Qui est le mieux placé pour ma î triser la crise à long terme ?

15%

Entreprises publiques

Entreprises familiales

85%

Evaluation de l’enquête interactive SEF - juillet 2020

La famille est-elle une aide en cas de crise ?

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26 La crise du coronavirus génère de nouvelles idées Etude de cas - Comment les diplômés du MBA peuvent aider une PME Par Arnaud Chevallier, professeur de stratégie à l‘IMD

Agathon, un positionnement de niche à la qualité reconnue Agathon est une entreprise familiale centenaire dont le siège social se trouve à Bellach, en Suisse. Avec 230 employés dans le monde, elle est connue comme étant l‘un des principaux fabricants de machines d’affûtage de haute technologie pour plaquettes amovibles. Ces plaquettes sont utilisées dans des outils de coupe de métaux qui peuvent ensuite servir à produire des pièces pour une multitude de produits tels que des machines à laver et des moteurs d‘avion, avec une précision très fine - de l‘ordre du micromètre. La deuxième activité de l‘entreprise est la production et la distribution de pièces standards pour l’ingénierie mécanique, ainsi que la construction d‘outils et de moules. Agathon est principalement active en Europe occidentale, mais s‘est également développée aux États-Unis, au Japon et en Chine.

Tirer parti d‘une expertise diversifiée et d‘un processus structuré En 2019, Agathon a élaboré une stratégie de croissance qui a été déployée plus tard dans l‘année. Bien que les premiers signes aient été prometteurs, la pandémie de COVID-19 a considérablement affecté les opérations. Depuis mars, les clients étant en pleine mutation en raison d‘importantes réductions budgétaires et de dépenses, l‘entreprise s‘attend à une douloureuse baisse de ses revenus en 2020.

Agathon est une entreprise suisse à la croisée des chemins. Son plan novateur de croissance stratégique, inauguré en 2019, a été gravement impacté par la crise du coronavirus. Mais les opportunités existent. Un groupe de diplômés du MBA et l‘équipe de direction de l‘entreprise ont cherché une issue. En s‘appuyant sur les connaissances approfondies et sur l‘expérience internationale des participants, les équipes ont identifié plusieurs solutions possibles qui touchaient à de nombreux domaines clés de l‘entreprise et ont tracé une voie claire pour l‘avenir.

Accélérer la sortie de la crise du Covid-19

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Confrontée à une énorme incertitude, Agathon doit maintenant décider si elle doit poursuivre sur la voie qu‘elle s‘était tracée ou si elle doit changer de cap. L‘IMD et Agathon se sont associés pour évaluer la position actuelle de l‘entreprise et élaborer des recommandations pour aller de l‘avant. Du côté d‘Agathon, l‘effort a mobilisé leur CEO ainsi que deux autres membres de la direction. Du côté de l‘IMD, 29 participants au programme Global Management Foundations (GMF) (composé de candidats à l‘Executive MBA) ont travaillé en sept équipes sous la direction des professeurs Albrecht Enders et Arnaud Chevallier pour fournir des recommandations. Les participants au programme GMF sont des cadres et des dirigeants d‘une grande diversité de secteurs d‘activité, de régions géographiques et de compétences. Le programme est soumis à une sélection rigoureuse et n‘accepte que les chefs d‘entreprise à fort potentiel. Cette formation à la réflexion stratégique leur a permis d‘acquérir l‘approche intégrative nécessaire pour structurer le projet Agathon.

Cette méthodologie spécifique les guide à travers un processus systématique pour cadrer le problème, le diagnostiquer, explorer les solutions, identifier la meilleure d’entre elles et convaincre les parties prenantes. En neuf jours seulement, les participants ont pu comprendre les problèmes complexes auxquels Agathon est confronté et proposer des solutions tangibles qui étaient à la fois créatives et fondées sur des preuves.

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Accélérer la sortie de la crise du Covid-19

Tester les hypothèses et ouvrir de nouvelles voies Cette approche a en tous cas permis d‘aboutir à un certain nombre de solutions diverses.

C‘est une partie du processus qui peut être difficile à réaliser en interne ; car, en effet, les dirigeants sont souvent trop proches de leurs propres opérations pour bénéficier de la perspective dont ils ont besoin pour identifier un ensemble de critères englobant les exigences de toutes les parties prenantes. Tirant parti de leur formation rigoureuse en la matière, les équipes de projet ont recueilli les avis d‘Agathon, les ont testés sous pression en interne et avec les cadres, et ont proposé des séries révisées de critères pondérés qui s‘alignent sur les priorités d‘Agathon. Ce qui incluait la rapidité et la facilité d’implémentation, la génération de revenus, le coût et le niveau de réduction des risques.

§ L‘une des solutions les plus prometteuses a été pour Agathon de passer de la simple fourniture de machines, de services et de pièces détachées au renforcement de son expérience client. S‘efforcer d‘être plus centré sur le client pourrait inclure une cartographie minutieuse de chaque étape du parcours du client et la confection d’un répertoire des améliorations qui pourraient être apportées, ainsi que l‘identification de grandes opportunités de revenus et la création d‘un avantage concurrentiel.

interactions avec les clients et réduire le temps de production.

§ Cela pourrait par exemple se traduire par la suggestion d‘améliorer le site web d‘Agathon, en créant une plateforme digitale poussée pour répondre à tous les besoins et demandes des clients. § Le recrutement de nouveau personnel dans des endroits clés pourrait également stimuler l‘interaction avec les clients ainsi que les ventes.

§ Une autre solution viable consistait à intégrer une technologie plus innovante

dans les processus de production d’Agathon. Cela pourrait faciliter les

Accélérer la sortie de la crise du Covid-19

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Une bouffée d‘air frais et une réflexion nouvelle Les cadres d‘Agathon ont été impressionnés

Tout aussi important, les dirigeants ont mentionné que les recommandations étaient une caisse de résonance utile pour tester et hiérarchiser leurs propres idées. Le CEO Michael Merkle a noté que la créativité des solutions était excellente : certaines d‘entre elles ont confirmé les réflexions de l‘entreprise sur la façon d‘aller de l‘avant en se basant sur les structures déjà en place, tandis que d‘autres ont ouvert de nouvelles possibilités passionnantes à explorer. L‘élaboration d‘une stratégie est souvent la partie la plus facile du processus - son implémentation représente ensuite des défis uniques qui nécessitent plus de définition et de planification de grands plans à long terme, mais aussi des étapes tangibles à court et moyen terme. Cela se fait à l‘aide d‘un plan de mise en œuvre détaillé.

et dynamisés par les recommandations développées dans le cadre du programme. « Le programme a non seulement répondu à mes attentes, mais les a même dépassées », a déclaré le CEO Michael Merkle. « Il y a eu beaucoup de créativité, beaucoup de structure et beaucoup de solutions pratiques qui ont pu être mises en œuvre rapidement. » Les dirigeants de l‘entreprise ont estimé que le processus a été utile de deux manières principales. La première concernait la mise à disposition d‘un groupe de cadres brillants, formés à la pensée structurée, qui ont généré en très peu de temps un ensemble de solutions innovantes, comme celles qu‘il aurait été difficile de produire en interne. « Nous connaissons notre industrie, nous connaissons nos solutions », a déclaré le CEO Michael Merkle. « Mais nous cherchions de nouvelles solutions que nous n‘avions pas encore sur le radar. »

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Accélérer la sortie de la crise du Covid-19

CONCLUSION

La pandémie maintient l’économie mondiale en difficulté. Dans le cas d’Agathon, les solutions pragmatiques développées au sein d’une formation continue avec des cadres experts dans d’autres industries ouvrent à la PME de nouvelles voies et des perspectives de croissance. Elles peuvent mettre en œuvre sa stratégie et, espérons–le, lui permettre d’atteindre la croissance à deux chiffres qu’elle ambitionne.

Accélérer la sortie de la crise du Covid-19

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Plus rapide et plus agile

La Suisse est performante et très compétitive, se classant troisième dans le classement de Compétitivité Mondiale de l‘IMD (voir flashlight). Toutefois, selon Arturo Bris, Professeur de Finance et Directeur du Centre Mondial de Compétitivité de l‘IMD, la Suisse ne pourra se hisser au sommet que si elle s‘améliore en termes d‘agilité et de rapidité. Peter Vogel, Professeur d‘Entrepreneuriat à l‘IMD, pense que la question clé est de savoir comment se positionner au moment précis où tout s‘arrête au niveau mondial - ce qui a rendu cette crise différente de toutes les autres avant elle. Les capacités défensives sont au cœur de cette question : les entreprises ont-elles des réserves ou naviguent-elles au gré du vent en comptant sur une météo clémente ? En fait, le client devrait toujours être au centre de l‘attention. Une étude récemment publiée par la société d‘audit et de conseil PwC indique clairement que l‘attention portée au client est un facteur de réussite. Néanmoins, les entreprises considèrent souvent les clients comme de simples marchés de vente, ou étouffent leur business model. Une crise comme celle du coronavirus met brutalement en évidence toutes les failles. La question de

savoir à quelle vitesse une entreprise peut réagir se pose alors rapidement. En effet, l‘objectif devrait toujours être de développer des solutions en collaboration avec les clients. La société Wilhelm Schmidlin AG du canton de Schwyz en est un bon exemple. Urs Wullschleger en est le directeur et le propriétaire, avec son frère. Lorsqu‘ils ont repris l‘entreprise familiale il y a 13 ans, troisième génération à le faire, ils avaient réfléchi à la manière de se démarquer sur le marché afin de mieux résister à une crise potentielle. Aujourd‘hui, son entreprise est capable de produire des baignoires, des receveurs de douche et des lavabos non seulement dans des dimensions standards mais aussi sur-mesure, et de les livrer dans des délais très courts et avec une extrême fiabilité - ce que la concurrence n‘offre pas du tout. Il s‘agit d‘un avantage concurrentiel décisif, rendu possible uniquement par l‘implantation de la production en Suisse. Cette agilité et cette rapidité aident aujourd‘hui Schmidlin à traverser la crise : le prix de ses produits jouant un rôle quelque peu secondaire pour le client en raison de leur valeur ajoutée

évidente grâce au sur-mesure, associée à des délais de livraison courts.

Les participants à SEF.Interaktiv sont d‘accord : l‘agilité est cruciale. Cependant, toutes les parties prenantes doivent être impliquées si l‘on veut trouver les meilleures solutions. Il est important d‘analyser l‘entreprise entièrement du point de vue du client ; cela permet de se concentrer réellement sur les clients, et c‘est la seule façon de devenir plus rapide et plus simple - et donc, dans un sens, de se préparer à la prochaine crise. Urs Wullschleger donne également aux participants un conseil pour aller de l‘avant : « si vous n‘avez pas d‘idée précise quant au développement de votre propre business model, il vous sera utile de pouvoir au moins optimiser vos processus afin d‘être plus rapide et plus agile que vos concurrents. » Dans leur auto-évaluation, les chefs d‘entreprise du SEF se sont classés entre « suffisants » et « bons » en termes d‘agilité

Plus rapide et plus agile

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et de rapidité ; il y a donc encore largement de quoi s’améliorer sur cet aspect. En outre, 50 % d‘entre eux pensent qu‘ils doivent adapter leur business model en conséquence. L‘agilité est également nécessaire en matière de gestion financière : là aussi, la trésorerie peut s‘amenuiser, surtout au-delà des frontières. Le programme de prêts du gouvernement fédéral pourrait certainement apporter un soutien dans ce domaine. Enfin, il y a la question de l‘agilité dans le monde digital. De nombreuses entreprises n’étaient pas vraiment préparées, ni en interne ni vis-à-vis de leurs clients, et ont dû rattraper leur retard en toute hâte. Une société immobilière a par exemple dû commencer à former ses clients aux questions et problèmes digitaux - en ligne. Ici aussi, la crise conduit à une poussée vers la digitalisation et à une augmentation du chiffre d‘affaires dans le secteur des technologies de l‘information, comme le confirment les dirigeants d‘entreprise de ce secteur.

L‘Etat ne devrait-il pas lui aussi devenir plus agile ? Après tout, une étude du WEF a souligné à plusieurs reprises la difficulté parfois de « faire des affaires » en Suisse. Le régime de prêts a certainement montré qu‘il peut fonctionner de manière plus fluide. Simon Jäggi, du Secrétariat d‘Etat à l‘Economie (SECO), affirme que les circonstances étaient exceptionnelles, tout en réfléchissant à d‘autres mesures. Faut-il réduire les droits de douane et les prélèvements ? Hans Hess s‘en féliciterait - les anciens droits de douane tels que les droits d‘importations industrielles devraient être réduits, pense-t-il.

A RETENIR :

Les entreprises qui sont agiles et rapides sont moins exposées à la concurrence des prix.

Les entreprises suisses peuvent devenir encore plus agiles et doivent repenser leur business model.

L’Etat n’est agile qu’en cas de crise.

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Plus rapide et plus agile

Comment évaluez-vous la réponse des organisations suisses à la crise du Corona en termes d'agilité et de rapidité ?

10 9 8 7 6 5 4 3 2 1

6.6 Note moyenne

Evaluation de l’enquête interactive SEF - juillet 2020

Comment votre business modèle va-t-il évoluer avec la crise ?

50%

43%

7%

Doit être ajusté

Reste le même

Changement complet

Evaluation de l’enquête interactive SEF - juillet 2020

Plus rapide et plus agile

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Hans Hess, président de Swissmem, déclare qu‘il faut beaucoup repenser notre modèle commercial, notamment en ce qui concerne les cha î nes d‘approvisionnement. Cependant, il ne croit pas en la fin de la mondialisation. Les entreprises doivent trouver un équilibre entre la proximité avec les clients, les coûts et la sécurité de la production - et 40% des participants au SEF sont d‘accord avec lui. Les cha î nes d‘approvisionnement doivent être repensées ; elles doivent avoir une base plus large, ce qui inclut inévitablement plus de capacité de stockage, même si cela implique un léger surcoût. D‘autre part, rares sont ceux qui envisagent aujourd‘hui de s‘installer à l‘étranger. Le fabricant de machines à café Jura en est un bon exemple. Au cours des premiers mois de 2020, il a enregistré une augmentation de 25 % par rapport à l‘année précédente - mais cela n‘a été possible que parce que l‘entreprise disposait de plusieurs cha î nes d‘approvisionnement, de sorte que la production pouvait se poursuivre même si l‘une d‘entre elles s‘arrêtait. Flashlight: Chaînes d‘approvisionnement

Envisagez-vous de délocaliser un ou plusieurs sites de votre organisation à l'étranger après la crise ?

96% Non

4% Oui

Evaluation de l’enquête interactive SEF - juillet 2020

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L’avenir est sombre - mais pas pour nous

Envisagez-vous de rapprocher une partie de la cha î ne d'approvisionnement ou du stockage de vos propres sites après la crise ?

40%

Oui

Cela n'a pas d'importance pour moi

30%

30%

Non

Evaluation de l’enquête interactive SEF - juillet 2020

Qu'est-ce qui est important après la crise ?

55% Être innovant et offrir de nouveaux produits/services

24% Saisir les opportunités et développer rapidement les affaires

14% Tout repenser

7% Rester calme et attendre de voir comment les choses évoluent

Evaluation de l’enquête interactive SEF - juillet 2020

L’avenir est sombre - mais pas pour nous

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Flashlight: Rapport sur la compétitivité mondiale

• Singapour reste en tête

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Plus rapide et plus agile

Chaque année, l‘IMD compare et évalue des pays du monde en termes de compétitivité. Les chefs d‘entreprise sont interrogés sur leur propre pays, et leurs réponses sont comparées avec des statistiques. Cette année, Singapour reste en tête, devant le Danemark, qui est passé de la huitième à la deuxième place. Le pays est très attaché à l’écologie et à la décarbonisation de son économie. La Suisse se classe troisième (gagnant un rang comparé à 2019), grâce à son économie forte, ses bonnes infrastructures et son gouvernement efficace. Les résultats complets peuvent être consultés ici : https://worldcompetitiveness.imd.org/rankings/ WCY

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40 L‘avenir est sombre - mais pas pour nous

quatrième trimestre. Seule la Chine conna î t une reprise un peu plus rapide. Wasserfallen, comme Hess, nous rappelle donc que la Suisse doit réagir en investissant dans un bon environnement structurel, dans des domaines tels que l‘éducation, la formation et les technologies du futur comme la 5G. Il est risqué de compter sur une impulsion de l‘innovation dans les entreprises. Beaucoup se demandent actuellement comment elles peuvent investir si elles ne gagnent pas d‘argent. Les petites et moyennes entreprises sont également inquiètes ; la véritable crise est encore à venir pour elles. Les participants à SEF.Interaktiv partagent ce point de vue. Selon eux, ce sont précisément ces entreprises qui sont les plus menacées par la crise et ses conséquences. Ce qui s‘en suivra sera beaucoup plus difficile. Entre autres choses, une grande vague de licenciements est imminente, et non sans raison. En juillet, les experts de BAK Economics ont calculé que 95 000 emplois supplémentaires seront perdus d‘ici à la fin de l‘année.

Ce qui entra î nera une situation sociale difficile. Certains participants se sont demandés si le gouvernement suisse disposait réellement d’un « scénario catastrophe ». Christian Wasserfallen a son propre point de vue. Il est mécontent de l‘évolution de la situation internationale en particulier : les prévisions d‘été de la Commission européenne sont sombres, prévoyant une croissance négative de -8,3 % pour la zone UE, alors qu’au milieu de la crise ce chiffre n‘était « que » de -7,4 %. M. Wasserfallen (qui siège au conseil d‘administration de plusieurs entreprises) souhaite que les entreprises rapprochent à nouveau leurs cha î nes d‘approvisionnement en Europe et qu‘elles mettent en place des alternatives chaque fois qu‘elles le peuvent. La priorité devrait également être accordée aux technologies clés telles que la production de batteries. Les participants à l‘enquête s‘attendent à une croissance nulle ou négative pour la Suisse au cours des 12 prochains mois. Seul un répondant sur dix est optimiste pour l‘année à venir. Il est toutefois surprenant de constater que les personnes interrogées ont une vision beaucoup plus positive de leur propre avenir professionnel (voir graphique).

Rarement le regard porté sur l‘avenir qui nous attend a été aussi peu clair. Un peu comme si l‘avenir se trouvait recouvert d’un épais brouillard. Personne ne sait comment le virus va se développer, surtout si l‘on tient compte de la saison froide, où la grippe reviendra également. Quand y aura-t-il un vaccin contre le Covid-19 ? À quoi ressembleront les prochaines vagues d‘infection en Suisse, dans le reste de l‘Europe et dans le monde entier ? Une chose est claire pour tous ceux qui participent à SEF.Interaktiv : il ne doit pas y avoir de second confinement ; les dégâts seraient dévastateurs. Deux visions de l‘avenir se dégagent également. D‘une part, la demande intérieure s‘est rapidement redressée et on peut même constater des effets de rattrapage. Cependant, le responsable économique de la NZZ, Peter A. Fischer, n‘est pas le seul à mettre en garde contre une vague de faillites qui se produira plus tard dans l‘année. L‘économie suisse dépend du commerce extérieur, dit-il, et si les économies des autres pays ne se redressent pas, cela affectera également la Suisse. Le Conseiller national du PLR Christian Wasserfallen et Hans Hess sont tous deux convaincus que les secteurs d‘exportation continueront à subir un effondrement majeur au cours du troisième et du

95000 emplois supprimés d’ici fin 2020

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Pour Rudolf Minsch, représentant d‘economiesuisse, il est également clair qu‘une nouvelle crise est inévitable. Toutefois, il affirme que la Suisse a déjà connu de nombreuses crises et que son expérience de ces chocs l‘aide à mieux faire face à ces évolutions. Il s‘inquiète toutefois des montagnes de dettes que les pays et les entreprises doivent supporter. Les participants au SEF ont des idées concrètes sur ce qui doit changer à l‘avenir. Prenez le travail à domicile, par exemple. Selon la COO Sabine Keller-Busse, l‘UBS part du principe qu‘à l‘avenir un plus grand nombre d‘employés travailleront partiellement et de manière plus flexible depuis leur domicile - peut-être jusqu‘à un tiers de tous les employés. De nombreux participants pensent également que la Suisse doit faire plus dans le domaine de la cybersécurité, car de plus en plus de personnes travaillent depuis leur domicile. Outre l‘innovation dans la transformation

digitale, la protection de l‘infrastructure numérique doit être prise en charge par le gouvernement et les entreprises. Que se passe-t-il lorsque le monde du travail se transforme en étant organisé de manière décentralisée ? D‘autres modèles de travail nouveaux apparaissent. Le droit du travail devra également être adapté à cette transformation. La Présidente du PLR Petra Gössi est heureuse d‘accepter ces recommandations. Le nouveau contexte pose également des défis en matière de politique. Au-delà de sa propre entreprise, Sabine Keller-Busse est l‘une des nombreuses personnes à se demander comment les entreprises peuvent traiter tous les employés de manière égale dans un contexte où l‘on travaille à domicile, et cela dans tous les domaines, de la communication avec eux à leur formation continue. Que signifie un tel contexte pour l‘Etat ? Il est conseillé de penser à s‘éloigner des frontières nationales physiques pour se rapprocher des

frontières virtuelles, en fonction du niveau de risque, afin de mieux gérer les problèmes de ceux qui traversent les frontières, par exemple en cas de nouveaux foyers d‘infection. Malgré l‘incertitude, l‘humeur sous-jacente reste positive. Il faut maintenant exploiter la dynamique du changement et ne pas laisser l‘inertie s’installer. Un nouveau mode de vie peut également émerger - et il faut l’anticiper.

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